mercredi 17 novembre 2010

On pompe!

depuis sa fondation Montréal a connu son lot d’inondations, lesquelles survenaient généralement au printemps avec la fonte des embâcles sur le fleuve. Le fleuve, comme tout cours d'eau important, avait ses sautes d’humeur printanières que les pauvres résidents des secteurs avoisinant ses rivages devaient endurer. Le développement urbain important du 19è siècle n'a pas échappé aux soubresauts du Saint-Laurent, de loin s'en faut. Incidemment, un quartier, plus que tout autre secteur riverain, a particulièrement touché à chacune de ces inondations; Griffintown est quelque peu assis sur une partie de ce que l'on appelait autrefois le Faubourg aux Récollets. 



(Source: Université McGill)

La communauté irlandaise largement ouvrière qui peuplait largement ce quartier vivait dans un état permanent de grande pauvreté. Les maisons, généralement bâties en bois, l'étaient à même le sol et la plomberie rudimentaire ne permettait pas d'avoir de toilettes intérieures. Les gens devaient donc utiliser la fameuse «back house» (francisée en bécosse), cette toilette sèche qui trônait dans la cour, hiver comme été, avec les inconvénients que l'on imagine. Donc, chaque inondation faisait s'engouffrer dans les fosses d'aisance une grande quantité d'eau qui les faisaient évidemment refouler abondamment, transformant ainsi le quartier en un gigantesque égout à ciel ouvert.

Il a fallu attendre 1887 pour que la ville de Montréal se décide à prendre les grands moyens afin d’éradiquer ce très sérieux problème. En effet, le refoulement apportait avec lui tout ce qu’il fallait pour gravement contaminer les gens avec des maladies infectieuses. Rien de bien plaisant, avouons-le. Et dans un quartier pauvre comme Griffintown, qui avait les moyens de se payer un médecin? 

Alors que se passe-t-il en 1887 pour que la ville se grouille enfin?

Pour mieux le comprendre nous allons reculer d’une année, soit en 1886, plus exactement le 18 avril. En cette journée, le fleuve se gonfle pour une énième fois et l’eau s’en va aussi loin qu’au square Victoria alors imaginez Griffintown. 




Les deux photos ci-haut nous montrent dans quel état se trouvaient les environs de la gare Bonaventure. Observez les wagons dont la moitié se trouve sous l'eau. On peut facilement se rendre compte que les inondations de l’époque, c’était du sérieux! 



Ici il s'agit du Square Chaboillez et on aperçoit. à l'arrière, le commerce de Thomas Gauthier, un épicer de détail qui vend aussi en gros et qui fait aussi, très légalement, le commerce d'alcools. Sans que l'on ne puisse l'identifier sur la photo, à côté de l'épicier Gauthier se trouve la boutique de vêtements pour hommes de Joseph Myers. Le bâtiment à l'extrême-droite est l'hôtel tenu par Kelly Owens. 



Voici la rue Notre-Dame qui prend ici des allures de Venise. Le premier commerce que l'on voit à gauche est celui de madame H. Poitras, chapelière. Elle y vend des chapeaux pour tous et pour tous les goûts. Elle a probablement acheté le commerce de Charles Berthiaume, lequel faisait le même métier l'année précédente. À côté se trouve le London Saloon dont un occupant du premier étage, peut-être le propriétaire, observe le photographe. Tout juste après, devant les canotiers de fortune, il y a la boutique de vêtements pour hommes des Frères Brault, dont Arthur Brault est tailleur. D'autres commerces, que l'on peine à distinguer, s'ensuivent dont le tabaconniste William L. Ross. Un tabaconniste, terme qui n'est plus utilisé aujourd'hui, désigne simplement un marchand de tabac. À droite on voit l'enseigne de Z.C. Jolicœur où l'on vend du tissu. L'enseigne où l'on ne voit que les initiales F.X. est celle de François-Xavier Guérin, tailleur. Malheureusement tous ces gens, tant propriétaires de commerces que locataires vont devoir éponger cet immense dégât et comptabiliser des pertes matérielles considérables.  



Voici le Square Victoria. Le photographe se trouve sur la rue Craig (aujourd'hui St-Antoine) un peu à l'ouest de McGill. Cela démontre jusqu'où l'eau du fleuve s'est retrouvée. Toujours est-il que la ville prend les grands moyens et décide non seulement de mettre [finalement] en place des digues mais entreprend également de construire deux stations de pompage qui auront la tâche de refouler les caprices du fleuve et empêcher d'autres inondations de ce genre de se reproduire. Ces deux stations ont été construites à bonne distance l'une de l'autre et, au moment d'écrire ces lignes, on peut encore les voir.





La plus imposante des deux, la station Craig (du nom de la rue qui porte aujourd'hui le nom de Viger) se trouve sur tout juste au-dessous du pont Jacques-Cartier et elle est facilement repérable non seulement parce que c'est le seul bâtiment à cet endroit mais aussi en raison de sa haute cheminée. Au coin inférieur gauche on a ajouté une cartouche sur laquelle est inscrite «A1887D», soit l'année de sa construction. Les lettres A et D signifient Anno Domini, vieux terme en latin remontant au moyen-âge et qui signifie simplement «après Jésus-Christ». Elle n'est pas occupée et son avenir est incertain. 





La seconde station de pompage porte le nom de Riverside, d'après la très courte rue sur laquelle elle se trouve. Comme sa grande sœur, la station Craig, elle a eu également le bonheur de ne pas avoir été démolie et elle est aujourd'hui occupée par une entreprise. ces deux stations, inutile de le préciser, ne sont plus fonctionnelles depuis fort longtemps mais sont néanmoins des témoins importants d'une époque où la fonte des glaces sur le fleuve donnait bien des aux de tête aux citoyens. Il existe un troisième témoin, plus discret çui-là, et qui se trouve dans le Vieux-Montréal à l'angle des rues de la Commune et Saint-Pierre, près de la statue de John Young. 



John Young est ce type ingénieux à qui le port de Montréal doit énormément. Mais ce qui nous intéresse se trouve à droite de l'entrée du bâtiment derrière. Si vous vous y arrêtez un moment vous y verrez, gravé dans la pierre avec des lettres peintes en noir, l'inscription suivante:



Lorsque vous serez devant cette inscription, observez le ligne par rapport à vous, puis au niveau actuel du fleuve u peu plus loin, cela vous donnera une idée des inondations de l'époque. 




Le saviez-vous? L’estacade du pont Champlain, a été mise en place en 1964-65 afin contrôler la formation et le mouvement des glaces sur le fleuve et éviter des dommages considérables au site d’Expo 67, alors en construction.

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