dimanche 13 mai 2012

Le cas Lucas


Dans un article récent je vous ai raconté comment George Lucas avait bâclé son histoire de manière à nous faire croire que Luke Skywalker et les rebelles de l'Alliance étaient les bons et que l'Empire était mauvais. Aujourd'hui j'ai décidé de remettre un peu les pendules à l'heure concernant môssieur Lucas, justement. Et pour les besoins de la cause on va remonter quelque part au milieu des années 70, si vous le voulez bien (vous n'avez pas tellement le choix de toute façon, ha ha).

Or donc.

Vous êtes un exécutif des studios 20th Century Fox et les choses ne vont pas bien. Pire, chaque fois que vous regardez les états financiers de la compagnie vous faîtes automatiquement des cacas mous et buvez du Maloxx à même la bouteille. Essentiellement, la compagnie est sur le bord du gouffre et il vous faut quelque chose pour renflouer les coffres.

Arrive alors un pimpant et jeune réalisateur du nom de George Lucas qui vous propose son idée de film. Vous connaissez un peu le type puisqu'il a réalisé un autre film du nom d'American Graffiti. Ah oui, il a aussi fait THX 1138, une sorte de bouette de science-fiction complètement incompréhensible qui a fait patate aux box-office. Et là le bonhomme est devant vous avec un projet de film... de science-fiction.

Vous roulez des yeux mais ceux-ci sortent pratiquement de leurs orbites et tombent sur le plancher en roulant quand vous lisez le titre du film projeté:

«Adventures of Luke Starkiller, as Taken from the Journal of the Whills, Saga I: The Star Wars»

De ce que vous pouvez lire dans le résumé (lire: fouilli de confusion de 200 pages), c'est qu'il s'agit de l'histoire de Mace Windy (on préfère assumer qu'il ne porte pas ce nom parce qu'il a un problème intestinal). Windy est un Jedi-bendu d'Ophuchi dont les aventures sont relatées par C.J. Thorpe, un étudiant padawaan des fameux Jedi.

Vous prenez une gorgée de cognac tout en vous demandant très sérieusement si vous acceptez de financer le projet de Lucas ou bien si vous appelez la sécurité en leur demandant d'emporter une camisole à grandes manches...

Malgré tout 20th Century Fox accepte de financer le projet en remettant à Lucas un chèque de $8.5 millions de dollars soit grosso-modo l'équivalent de 35 millions aujourd'hui. C'est un méchant pari parce que s'il y a une chose que les bonzes d'Hollywood savent, c'est que la science-fiction au cinéma ça ne fait pas d'argent.

Évidemment vous vous réservez le droit d'aller voir ce que Lucas fait de l'argent, comment il dépense tout ça et à quel rythme le film avance. Au bout d'un an les gens de la Fox sont consternés de voir que l'équipe responsable des effets spéciaux a bousillé la moitié du budget et n'a en tout que trois séquences qui sont terminées. C'était pas mieux en  Angleterre; l'équipe de tournage là-bas se moquait ouvertement de Lucas, prenait de longues pauses et refusait de faire des heures supplémentaires afin de terminer le tournage à temps. Pas besoin de dire que le plafond budgétaire a sauté. Et si Star Wars floppait, 20th Century Fox s'enliserait définitivement dans des sables mouvants financiers dont elle ne se serait  jamais sortie.

Très peu de gens étaient convaincus que Star Wars fonctionnerait. Ainsi, Dave Prowse, le type barraqué sous le costume de Darth Vader avait tellement honte qu'il ne voulait pas voir son nom au générique. Kenner, qui avait obtenu la licence pour les jouets dérivés du film semblait regretter son choix et ne semblait pas trop pressée de concevoir quoi que ce soit.

Maintenant imaginez les faces allongées des gens de la Fox quand seulement 39 salles dans tous les États-Unis ont accepté de faire jouer Star Wars. Rien de rassurant, on va s'entendre là-dessus. Mais bon, vous allez dire que Star Wars a finalement connu un succès sans précédent et que l'on a reconnu en George Lucas un véritable génie qui fut, à prime abord, incompris.

Pas trop vite.

Vous connaissez Gary Kurtz? Observez le générique de Star Wars et The Empire Strikes Back et vous verrez apparaître le nom du bonhomme en tant que producteur. Kurtz a gradué de la même université que Lucas (USC) et a collaboré avec Lucas pour American Graffiti. Kurtz est aussi allé beaucoup plus loin que son rôle de producteur, ayant lui-même coordoné le travail des acteurs, essentiellement le travail du réalisateur). Après The Empire Strikes Back Kurtz a clairement vu dans quelle direction Lucas voulait diriger la franchise: les "/$%?&* de jouets et la commercialisation «at large»: bobettes, sacs à dos, livres à colorier, céréales, chandails, ensembles de lit, bouteilles de shampoing, casse-têtes... You name it. Alors Kurtz a décidé de lever les feutres.

Les personnages, vaisseaux et environnements? Remerciez plutôt Ralph McQuarrie, malheureusement décédé récemment. Si ce n'aurait été de sa vision les chances auraient été bonnes pour que Star Wars ressemble visuellement à un navet de série B sans trop de saveur. Même le personnage de Darth Vader est essentiellement dû à McQuarrie. Quoi, vous croyez vraiment que Lucas avait originalement envisagé toute la saga de la chute et de la rédemption d'Anakin Skywalker dès le début?

Niet!

Dans les premières version des scripts de Star Wars Darth Vader n'était pas un Jedi, ni même une sorte de poumon mécanique sur pattes avec une respiration de vieux Chevrolet. Vader n'était qu'un simple général de l'Empire et rien d'autre et jamais il n'avait porté un autre nom (surtout pas Anakin Skywalker). Si vous voulez vous en convaincre, regardez le duel entre Vader et Obi-Wan dans Star Wars et observez comment ce dernier n'appelle Vader que par son prénom de... Darth. Ce n'est que bien des années plus tard, quand Lucas va inventer le concept qui fait que tous les Sith se prénomment Darth.

Le masque de Vader? McQuarrie. Dans la séquence d'ouverture de la version originale de Star Wars, il était prévu que Vader aborde le navire rebelle en «marchant» dans l'espace, requierant ici une masque pour respirer alors McQuarrie en a conçu un en se basant sur un masque de guerre japonais. Lucas quant à lui n'avait aucun idée précise de qui était Darth Vader, au point où dans certaines ébauches il se retrouvait aux côtés d'Anakin Skywalker. Ce n'est que dans la seconde version que le bonhomme se rapproche de la version que l'on connaît.

Un autre des personnages les plus représentatifs de Star Wars est C-3PO, le robot protocolaire qui connaît plus de 6 millions de dialectes. Mais n'allez pas penser deux minutes que c'est ce que voulait Lucas. Pantoute. En fait Lucas voulait faire du personnage un sorte de vendeur de chars usagés un peu huileux (qu'il réussit à ré-introduire dans The  Phantom Menace avec le gros maringouin mutant Watto). C-3PO est essentiellement dû à son interprète Anthony Daniels. Et qu'aurait été Star Wars sans le génie musical de John Williams et les sons uniques créés par Ben Burtt?

Pendant un certain, je m'en souviens très bien, il y eu cette légende urbaine qui voulait que Lucas avait pondu une histoire tellement complexe qu'il avait dû la scinder en plusieurs parties. Il suffisait de regarder le tout début du texte déroulant de Star Wars pour s'en convaincre puisque ça commençait avec «Episode IV». Or, la version originale non-éditée du film ne comporte pas de «Episode IV» mais alors là pas du tout. C'est quelque chose qui a été rajouté par la suite. Dans les faits, Lucas n'avait fait de Star Wars qu'un seul et unique film parce que lui-même n'était pas exactement convaincu que son film fonctionnerait.

Le succès de Star Wars a permis The Empire Strikes Back qui est considéré par à peu près tout le monde comme étant le meilleur de TOUTE la série (même les «prequels», ho ho). Or devinez quoi? Non seulement le scénario n'a pas été écrit par Lucas (il faut remercier Lawrence Kasdan) mais en plus il n'a même pas daigné réaliser le film, laissant la besogne à Irvin Kershner. Quant à Return of the Jedi c'est Richard Marquant qui l'a réalisé.

Évidemment Lucas a tout de même écrit l'histoire de Star Wars mais au début ce n'est pas exactement ça qu'il voulait faire. Il était plutôt intéressé à tourner un «remake» de Flash Gordon mais comme Dino De Laurentis en avait déjà acquis les droits Lucas n'a pas eu d'autre choix que de pondre son propre récit.

Si vous avez déjà vu The Hidden Fortress de Rukosawa (sinon je vous le conseille) alors vous n'êtes probablement pas sans avoir noté des similarités entre Star Wars et le chef-d'oeuvre du cinéaste japonais où un princesse mène une rébellion afin de reconquérir son domaine qui a été conquis par un «vilain empire».

La séquence finale de Star Wars, où les chasseurs rebelles attaquent l'Étoile de la Mort pour la faire sauter fait aussi beaucoup penser à la séquence d'attaque dans The Dam Busters. Dans cet excellent film de 1954 un groupe de bombardiers britanniques ont pour mission de faire sauter un barrage allemand à l'aide de tonneaux explosifs conçus spécialement pour sautiller à la surface de l'eau jusqu'au point d'impact. D'ailleurs un type inventif à eu la brillante idée de coller la séquence audio de Star Wars avec un montage réalisé avec The Dam Buster.


Le caca à passé dans le ventilateur quand Lucas a tout bonnement décidé de prendre en main la réalisation et l'écriture des «prequels», en partant avec ce baril de guano que fut Phantom Menace. Bonjour les dialogues insipides à plein camion et qui ont été livrés, dans les deux autres films, à plein cargos.

Mais ce n'est pas tout. En 1988 lors d'une conférence il a dit ce qui suit:

«People who alter or destroy works of art and our cultural heritage for profit or as an exercise of power are barbarians … These current defacements are just the beginning.»

«Tomorrow, more advanced technology will be able to replace actors with “fresher faces,” or alter dialogue and change the movement of the actor’s lips to match. It will soon be possible to create a new “original” negative with whatever changes or alterations the copyright holder of the moment desires..

«In the future it will become even easier for old negatives to become lost and be ‘replaced’ by new altered negatives. This would be a great loss to our society. Our cultural history must not be allowed to be rewritten.»

Faut croire que l'idée de faire du ski sur des montagnes d'argent encore plus grosses lui ont fait rapidement oublier ce qu'il avait dit à ce moment-là. Il s'est alors joyeusement appliqué à massacrer Star Wars en changeant tout plein de choses dans la trilogie originale, comme si avoir créé les personnages les plus insipides de toute l'histoire du cinéma, Mace Windu, Jar Jar Binks et Anakin Skywalker gamin n'était pas assez...

Peut-être qu'à un certain moment, il y a bien longtemps, Lucas a eu un certain flair et une parcelle de génie mais ce temps-là fut court sans compter que bien des choses issues de Star Wars sont dûes à d'autres. Et puis je ne lui pardonnerai jamais de s'être allègrement soulagé sur la franchise Indiana Jones, parce que n'oublions pas que c'est à cause de lui s'il y avait des foutus extraterrestres dans Kingdom of the Crystal Skull... Toutefois, rien ne prouve jusqu'à quel point Lucas peut s'abaisser pour prostituer sa franchise que cette abomination:


 

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