jeudi 23 mai 2013

Ça cogne!

Dites, vous étiez où le mardi 25 janvier 1927 au soir, disons aux alentours de 18:30? Évidemment y’a des chances pour vous n’étiez même pas au monde, mais si vous auriez été au coin des rues Guy et St-Jacques vous auriez eu droit à tout un spectacle. Faut quand même que j’ajoute ici qu’il s’agit d’un spectacle que tous les résidents dans le coin s’attendaient de voir un jour ou l’autre. Si vous connaissez le secteur vous allez probablement dire que cette intersection n’a rien de bien particulier et que s’en est une comme bien d’autres à Montréal alors qu’est-ce qui la rend plus spéciale ou plus propice à un «spectacle» quelconque?

Alors allons-y donc avec un peu de remise en contexte, si vous le voulez bien.

 La gare Bonaventure telle qu'elle apparaissait avant qu'un incendie vienne la priver de sa magnifique toiture en 1916.

En 1927, à l’emplacement approximatif de l’ancien Planétarium Dow, se trouvait la gare du Canadien National mais construite par le Grand Tronc en 1886. Les voies ferrées quant à elles longeaient la rue St-Jacques (autrefois St-James) et filaient vers l’ouest incluant l’accès vers le pont Victoria ainsi qu’aux ateliers de Pointe St-Charles. Le train, à cette époque-là, était un moyen de transport très populaire pour les trajets hors de la ville et pour la ville proprement dit, c’était le tramway. Ceci veut donc dire qu’à certains endroits se croisaient les voies ferrées de ces deux moyens de transport. Et justement c’est ce qu’on retrouvait à l’intersection des rues Guy et St-Jacques où les deux voies de la Montreal Tramways Company chevauchaient les huit voies du CN. Comme je le disais plus haut, pour les gens du coin il y avait là tous les ingrédients nécessaires à un éventuel accident. Et si j’ai mentionné en début d’article la date du 25 janvier ô-soir, c’est exactement parce que.

Donc.

Ce soir-là le tramway 772 remonte le circuit Guy en direction nord et s'approche de la traverse de chemin de fer situé juste avant la rue St-Jacques. Le garde-moteur Beaudet s'arrête selon la procédure et observe le signal de l'aiguillage de sûreté. Ce dernier indique que la voie est libre. Beaudet pousse le levier de commande et le tramway s'engage. Il s'apprête à croiser la huitième et dernière voie quand arrive soudainement la locomotive 5278 du CN. Celle-ci vient de laisser des passagers à la gare Bonaventure et s'en retourne aux ateliers de Pointe-St-Charles. La violence du choc fait voler en éclats toutes les vitres du tramway et soulève ce dernier, le séparant des deux bogies de roues, et l'envoie dans un fossé qui longe la voie ferrée.

Une locomotive de type Pacific similaire à celle impliquée dans l'accident.


Les secours arrivent mais les gens qui étaient à bord du tramway, lequel a été renversé sur le côté, ont pu s'extirper du véhicule eux-mêmes. Par miracle aucun des dix-sept voyageurs n'est blessé sérieusement et on les dirige dans l'immeuble de la compagnie Gotfredson Trucks situé tout juste au coin de la rue. Là, médecins ont soigné les gens et tous on été en mesure de s'en retourner chez eux sauf quatre que l'on a jugé mieux de faire transporter à l'hôpital.


M. Hutchison, vice-président de la Montreal Tramways Company, remet un communiqué à 11 :30 dès le lendemain de l’accident dans lequel il raconte les circonstances de l’accident. Pour le maire Médéric Martin la situation des passages à niveau n'a que trop duré. En entrevue il déclare: «Ceci me donne raison. Je dis que nous aurions dû aller à Québec, cette année, pour demander à la législature l'autorisation de faire, à même notre pouvoir d'emprunt, certaines améliorations telles que viaducs, tunnels et autres dont la nécessité se fait de plus en plus sentir chaque jour. En plus du danger qu'ils offrent, les passages à niveau sont une cause de retards continuels. Lorsque j'étais fabriquant de cigares il y a de cela 25 ans, il fallait attendre de 20 à 25 minutes pour laisser passer les trains. Dans certains endroits de la métropole la situation ne s'est guère améliorée. Nos autorités en général devraient travailler un peu plus à la solution de ce problème. Il est certes bon de protéger les chemins de fer mais il bon de même de penser un peu aux simples citoyens. Il y a quelques années j'avais proposé un moyen de supprimer les passages à niveau; mes plans ont été détruits lors de l'incendie de l'hôtel de ville (3 mars 1922, NDLR). Les voies des chemins de fer auraient longé le canal, d'après ce projet, et auraient atteint une gare centrale en devenant des voies élevées à l'entrée de la ville


La solution de la ville sera de construire un viaduc qui enjambe les voies ferrées du Canadien National, mettant ainsi fin à une problématique qui avait duré un peu trop longtemps. Aujourd’hui il serait assez difficile pour n’importe qui d’imaginer qu’à cette intersection se trouvait des voies ferrées et un viaduc; tous les deux ayant disparu, tout comme la gare. 

 Le viaduc terminé (Photo: Archives ville de Montréal)


Le numéro 1 indique la rue St-Jacques alors que le numéro 2 indique la rue Guy. L'étoile rouge indique l'endroit approximatif de l'accident. 

 
Saviez-vous ça vous autres? La locomotive 5278 qui a cogné l'tramway là, ben c'est une Pacific 4-6-2 de classe J-7 qui a construite à la Montreal Locomotive Works en 1918-19 pour le Canadian Government Railway. Pis la loco sur la photo, un ti-peu plus haut, même si c'est une Pacific, c'est une classe J-3 qui a été construite entre 1912-13 pour le Grand Tronc. On dit ça juste pour être certains que y'a pas de mélange. Vous avez toutte prit ça en note là? Y'a un test demain.

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