samedi 31 août 2013

ascendamus descenditque



C’était à la fin d’un autre siècle que je n’ai pas connu mais qu’on m’a raconté dans la pénombre du boudoir près la grande bibliothèque. Il se trouvait dans le quartier qui m’a vu grandir, de ces vieilles maisons où logeaient des familles nombreuses comme les doigts des deux mains. Tout le monde travaillait, même les enfants et l’école était un luxe que les mioches regardaient comme ils admiraient les friandises dans les vitrines des magasins. Le paternel travaillait à quinze cennes de l'heure alors que la livre de beurre en coûtait dix-sept. De quoi manger son pain sec alors c'est pour ça que tout le monde mettait la main à la pâte.

Il fallait aussi loger tout ce beau monde-là. Les grands terrains, comme le beurre, étaient un luxe. Aussi les bâtisseurs devaient profiter le plus possible des terrains qu'ils avaient à leur disposition lorsqu'ils construisaient leurs belles maisons, parfois de brique et parfois de bonne pierre de taille. Du trottoir à la porte, il n'y avait que quelques pas à franchir. Les belles grandes devantures gazonnées, on le savait, c'était pour les riches comme les frères Dufresne, mais eux n'avaient pas de ces magnifiques escaliers tantôt en bois, tantôt en fer forgé, parfois droits comme des soldats et parfois se tortillant de part et d’autre comme figés dans un beau pas de danse. N’allez pas par monts et par vaux pour en voir de plus beaux parce que c’est par ici qu’ils sont tous.


Saviez-vous ça vous autres? À l’époque médiévale là, ben y’avait plusieurs châteaux qui étaient munis d’escaliers qui allaient dans le sens des aiguilles d’une montre. Ça c’était pour déboussoler du monde pas fin qui venait attaquer parce que la plupart du temps y tenaient les épées dans la main droite. Pas commode pour bloquer un coup d’hache de même quand quelqu’un est plus haut, on va juste vous dire ça.

samedi 24 août 2013

domina lateres


De par la rue Murray, il y a cette maison modeste d’ouvrier qui se tient aujourd’hui là comme dans le temps, ce temps où tout était différent. C’était avant l’automobile poussive et les camions tonitruants alors que le facteur vous connaissait et s'arrêtait parfois pour piquer jasette, une minute peut-être plus.

La maison ne faisait pas dans la fioriture. Avec ses linteaux en brique elle était coiffée d’une corniche en bois ouvré qui servait à lui donner un peu de cet air coquet et distingué. C'était là tout ce qu'elle pouvait se permettre. Un tout petit balcon, tout juste assez grand pour y mettre la chaise berçante, donnait sur la rue. Il faisait sûrement bon se dodeliner dessus après avoir trimé et sué toute la journée, peut-être en fumant une pipe de terre cuite au son des sabots de chevaux qui passaient et des moineaux, juste au-dessus, qui logeaient là où ils le pouvaient.

Aujourd’hui il n’y a plus d’ouvriers et presque plus de ces usines aux cheminées cracheuses d’encre. Même le balcon est parti on ne sait où et bien que vide, la vieille dame de brique se dresse encore là comme au jour de sa naissance en se demandant bien ce qui va lui arriver alors que le quartier change et mue peut-être un peu trop vite à son goût.


Le saviez-vous? Au début des années 60 le maire Drapeau s’est arrangé pour faire changer le zonage de Griffintown pour le faisant passer de résidentiel à industriel. Monsieur le maire n’appréciait pas les vieilles choses et encore moins les vieilles dames de brique à corniches. Encore s’en est-il fallu de peu pour que toutes les maisons du quartier y passent. Aujourd’hui elles ne sont plus qu’une poignée ici et là pouvant raconter ces histoires du temps jadis qu’on a un peu oublié.

samedi 17 août 2013

movens aquas



Ruisseau aux petits soubresauts et remous dont la source venait de je ne sais où. Elle parlait ce langage fluide et mouvant que peu comprennent. Si ça pouvait on l’entendrait nous raconter qu’elle est passée par les rochers et le sable, à l’ombre des grands arbres et sous le soleil qui la chatouillait, se faufilant près du gamin taquinant la grenouille d’une branche et endurant sans mot dire les insectes lui gambadant dessus comme des patineurs enivrés.

Cette eau emportait avec elle des parcelles de nuages, un minuscule poisson perdu trop gêné pour demander son chemin et peut-être aussi des pleurs, ceux qui naissent dans les peines d’amour vives comme les ronces pour se noyer dans ces eaux mouvantes et se perdre plus loin dans le tumulte qu’on oubliera demain. Comme cette feuille, tombée d’un gros orme qui dort plus loin du sommeil du juste. Cette feuille qui a quitté son nid pour s’aventurer au loin. Je m’en vais par là, dirait-elle, là où le ruisseau perd son nom et où j’y trouverai de grandes aventures. Et moi je l’ai saluée au passage.



Le saviez-vous? Plus d’un milliard et demi de gens sur Terre n’ont pas accès à de l’eau potable. Il faut 11,000 litres d’eau pour fabriquer une livre de café et il en faut 5,000 pour produire un kilo de riz. En outre, on estime que la vente d’eau embouteillée rapporte aux grosses corporations des ventes variant entre 60 et 80 milliards de dollars et la plupart des bouteilles se retrouvent aux ordures.