vendredi 28 novembre 2014

La rue Ste-Catherine en 1969

Tout de même étrange de considérer qu’il n’y a quand même pas si longtemps que ça la rue Ste-Catherine avait une toute autre allure. Évidemment c’est une observation qui est plus facile à réaliser pour ceux et celles qui ont connu ladite époque et qui était, faut l’avouer, bien différente. Certains vont même jusqu’à dire que l’artère d’autrefois et d’aujourd’hui sont pratiquement aux antipodes l’une de l’autre.

La photographie que l’on voit à l’entête de l’article, que l’on pouvait se procurer d’ailleurs en format carte postale un peu partout, nous montre un petit bout de ladite rue Ste-Catherine, du côté sud, tout près de l’intersection de la rue Mansfield. Il y a eu plusieurs spéculations sur la date où elle a été prise. Je vais donc vous épargner toute autre recherche : été 1969.

Comment?

Un détail tout simple. Vous allez voir.

En 1969 les magnifiques enseignes lumineuses que l’on peut voir, affichant une très belle diversité de styles et de couleurs, s’illuminaient le soir venu et rendaient les rues extraordinairement vivantes. Par contre elles n’en avaient plus pour longtemps puisque le maire Drapeau les détestait profondément. Au fil des années qui vont suivre elles vont toutes disparaître les unes après les autres, tant sur Ste-Catherine que sur d’autres rues, comme St-Denis et St-Hubert, entre autres. Allez, crac!


En attendant, voyons un peu ce qu’il y a sur cette photo. En partant de la gauche, donc de l’Est, et à la limite de ce que l’on peut distinguer, on peut voir clairement l’enseigne du cinéma Capitol où l’on présente le western Heaven With a Gun. Tout juste à côté il y a le restaurant Dunn’s Famous. Il comporte alors deux étages et au deuxième, avec un peu de chance, on peut déguster un sandwich à la viande fumée au son d’un pianiste qui joue sur un magnifique piano à queue. Essayez de trouver ça aujourd’hui pour voir. S’ensuit le Cinéma de Paris, malheureusement peu visible, et qui présente le film J’ai tué Raspoutine.


Puis c’est le bijoutier Opera Diamond après quoi c’est un autre restaurant, le Lanza Steak House. Il est suivi de Brault Watch Shop où l’on peut se procurer toute une variété de belles montres. C’est encore la période où des commerçants canadiens-français ont des commerces en anglais. Ah, voici ensuite le cinéma Pigalle où l’on projette ces deux «excellents» films qui, ultérieurement ont probablement reçu la plus haute cote dans le TV Hebdo; un 7 :


Peut-être cela en étonne-t-il plusieurs de voir qu’à cette époque, surtout celle de l’ère Drapeau, des films érotiques étaient présentés dans des cinémas ayant pignon sur une rue comme Ste-Catherine. Mais qu’on se le dise bien : 1969 était une période non seulement de révolution culturelle mais aussi sexuelle. C’est d’ailleurs c’est en mai de cette année-là que Denis Héroux a tourné le premier film érotique au Québec, Valérie, avec la sémillante Danielle Ouimet. Nous sommes loin de l’époque pourtant pas si lointaine où Alfred Hitchcock avait tourné I Confess à Québec sous la loupe constante de l’omniprésent clergé qui se réservait le droit divin d’autoriser ou non ce qui était filmé. Plus jamais je ne tournerai de film au Québec, avait-il dit, parfaitement dégoûté de cette censure cléricale. En ’69 par contre le pouvoir de l’Église s’amenuise comme peau de chagrin et déjà les églises se vident.

Passé la rue Mansfield se trouve une succursale de la Banque de Montréal avec sa belle façade en grès rouge d’Écosse mais qu’on voit très peu puisque le bâtiment est caché par le cinéma Loews où le film The Extraordinary Seaman avec David Niven est projeté. C’est le titre de ce film, visible sur la marquise qui m’a aiguillé sur la date de prise de la photo puisque le film n’a été projeté qu’au début du mois d’août. C’était le temps où les cinémas changeaient de films presqu’à toutes les semaines. En 1969 le Loews, dont l’intérieur a été magnifiquement décoré par Emmanuel Briffa, ne comporte toujours qu’une seule salle. L’ajout de salles supplémentaires se fera au cours des années à venir. Tout juste à côté du Loews on retrouve la célèbre mercerie A. Gold & Sons où ces messieurs peuvent se procurer habits et vêtements à la mode. Le restaurant Murray’s se trouve tout juste à côté et pour ceux qui n’ont peut-être pas si faim, le café Honey Dew vous accueille. Pour ces dames qui désirent une nouvelle coiffure alors c’est au salon de beauté Séville qu’elles doivent aller. Et ensuite, pourquoi pas un arrêt au lounge cocktail Vénus de Milo situé au deuxième étage? Et finalement, il y a le restaurant Ville-Marie qui en plus d’offrir un menu varié peut vous servir bières et vins. Voici le même secteur tel que vu aujourd'hui:


Comme on peut le voir, le changement est drastique. Plus aucun des commerces de l’époque n’a survécu sauf Dunn’s Famous mais il n’occupe plus son emplacement original. Quelques bâtiments l’on prit dans la tronche aussi, comme le Pigalle, gracieuseté des démolitions sauvages des années 70. Le Cinéma de Paris, tout comme le Loews dont l’entrée est aujourd’hui occupée par une boutique de souliers de sport. L’ancienne salle de projection est aujourd’hui un vaste club sportif, Le Mansfield, mais on pourra applaudir les promoteurs d’avoir conservé les fresques de Briffa. Certaines anciennes façades ont été également préservées mais de façon inégale, offrant ainsi une trame architecturale décousue qui n’a plus d’unité.

Et qu’est-ce qui retient l’attention durant cet été de 1969? Évidemment le passage en mai à l’hôtel Reine-Élizabeth de John Lennon et Yoko Ono pour leur bed-in pour la paix n’a pas manqué de faire jaser. La rue Ste-Catherine a aussi vu défiler, en mai, les joueurs du Canadien qui ont remporté la coupe Stanley face aux Blues de St-Louis qu’ils ont parfaitement tondu en quatre parties gagnées d’affilée. 


Le hockey est peut-être terminé mais les amateurs de sports montréalais se découvrent une passion pour leur nouvelle équipe de baseball : les Expos, lesquels disputent leurs parties au parc Jarry. Les nouveaux héros se nomment alors Mack Jones, Rusty Staub, Coco Laboy, Bill Stoneman ainsi qu’un québécois, Claude Raymond. 


Sur la scène politique il y a un congrès au leadership à l’Union Nationale et Jean-Jacques Bertrand, qui succédait à Daniel Johnson, est élu chef du parti. Bertrand a soutiré 58% des votes mais tout n’est pas rose puisque plusieurs membres du parti, d’allégeance nationaliste, quittent ou songent à quitter le parti. Au sud de la rue Ste-Catherine, sur le fleuve, y’a embouteillage de navires puisque les employés de la Voie maritime sont en grève. On espère un dénouement rapide. Dans les journaux on apprend que le pays est maintenant assujetti à la loi sur les langues officielles. On s’attend à ce que ladite loi entre officiellement en vigueur au début de septembre.

À la radio les succès québécois s’enfilent les uns après les autres. Éloïse de Donald Lautrec, Comme un garçon de Chantal Renaud, Le sable et la mer du duo Ginette Reno et Jacques Boulanger. On se souvient aussi du fameux Lindberg de Robert Charlebois et Louise Forestier. Renée Claude y va avec C’est notre fête aujourd’hui et Le tour de la terre, entre autres. Et que dire de ce classique des Milady’s qui a tourné presque sans arrêt :



Du côté de la chanson française, toujours très populaire ici, on peut entendre Vesoul de Jacques Brel, C’est extra de Léo Ferré, Le Métèque de Georges Moustaki, Ma France de Jean Ferrat, Que je t’aime de Johnny Halliday, Les Champs-Élysées de Joe Dassin, Petit Bonheur d’Adamo et également Je t’aime… moi non plus du couple formé par Jane Birkin et Serge Gainsbourg.

En langue anglaise on apprécie Get Back des Beatles, Honky Tonk Woman des Rolling Stones, Sugar, Sugar des Archies, Suspicious Minds d’Elvis Presley mais ce qui détonne plus que tout en musique durant l’été de 1969 est sans contredit le légendaire festival de Woodstock lequel se déroule sur le terrain d’une ferme laitière dans l’état de New York. Pendant trois jours ce sont près de 400,000 personnes qui vont s’y rendre pour assister, presque sans relâche, à des spectacles mettant en vedette Janis Joplin, Jimi Hendrix, les Rolling Stones, Creedence Clearwater Revival, The Grateful Dead et de nombreux autres. 


Par contre, au-delà l’aura «Peace & Love» et du «tout-le-monde-il-est-beau-tout-le-monde-il-est-gentil», Woodstock est en réalité un gros «cash grab» capitaliste de la part des organisateurs mais également de la plupart des artistes. D’ailleurs Joplin, The Grateful Dead, The Who et Hendrix (surtout lui) ont carrément refusé de se présenter et même de toucher à leurs instruments avant que l’argent ne soit bien étalé sur la table.

L’été de 1969 est aussi tristement marqué par l’assassinat de Sharon Tate, alors enceinte de huit mois, ainsi que quatre autres personnes par Charles Manson et sa «famille». Il sera subséquemment arrêté et condamné à mort mais la peine sera substituée pour une incarcération à vie. Au moment d'écrire ces lignes Manson est toujours vivant et vient de se marier.



Toujours au début du mois d’août Disneyland procède à l’ouverture officielle du Haunted Mansion en Californie alors qu’au même moment les Beatles se font photographier à traverser Abbey Road (à plusieurs reprises) pour la pochette de leur album. Mais l’évènement majeur pour 1969 demeure sans contredit le plus grand exploit scientifique du siècle :

 

 

 

Le 20 juillet, le module lunaire Eagle de la mission Apollo 11 se pose sur la surface lunaire, dans la Mer de la Tranquillité. À 22 :56 heure de l’est, plus d’un demi-milliard de personnes regardent en direct à la télévision les premiers pas de l’astronaute Neil Armstrong sur la Lune, suivi peu de temps après par Buzz Aldrin alors que Michael Collins orbite patiemment autour. Ils reviennent le 24 juillet sains et saufs, la mission est couronnée de succès et ouvre la voie à d’autres missions lunaires.

Quelques pubs de l'été 1969:




Le saviez-vous? C’est à l’automne 1969 qu’est apparu pour la première fois dans les rues le Dodge Challenger. Cette voiture sport se voulait l’équivalente chez Dodge du Plymouth Barracuda, lequel avait été conçu en guise de réponse à la Ford Mustang et à la Chevrolet Camaro. Le Dodge Challenger connaît depuis quelques années un regain de popularité avec la troisième génération qui se veut, esthétiquement, un beau clin d’œil à l’original.

jeudi 20 novembre 2014

Chapelle de la Miséricorde


Détail du portique ouest de l’église Nativité-de-la-Sainte-Vierge, situé sur la rue Ontario au coin de Dézéry. C’est la deuxième église à occuper cet emplacement; la première ayant été construite vers 1876. C’est que le 19 avril 1921 l’église originale a été incendiée presqu’au grand complet. C’était malheureusement le lot de bien des églises à l’époque. Faut dire aussi que les méthodes de prévention incendie étaient pas mal loin d’être ce qu’elles sont aujourd’hui. Et avec tous ces lampions, ne suffisait d’une simple négligence pour qu’arrive une catastrophe.   

On ne s’est pas démonté pour autant et on s’est relevé les manches pour reconstruire une nouvelle église. Et cette fois-là, on a confié les plans  aux architectes Joseph Venne et Dalbé Viau, deux bonhommes associés depuis 1912 et dont la réputation n’était plus à faire dans le domaine des bâtiments religieux. Le résultat est l’église que l’on peut toujours admirer aujourd’hui. 




Le saviez-vous? Il se trouve à l’intérieur une série de quatorze verrières consacrées à la Vierge. Elles ont toutes été réalisées par nul autre que l’artiste réputé Guido Nincheri dont la pierre tombale, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges vaut le détour à elle seule.

jeudi 13 novembre 2014

La rue Sherbrooke en 1959


Photo aérienne de la rue Sherbrooke dans l’est prise vers 1959. C’est une photo que je trouve particulièrement intéressante parce qu’on peut voir comment était la trame urbaine de l’époque et de quelle façon le développement immobilier a changé le paysage. Petit tour guidé, donc, de ce petit secteur.

A : L’hôpital Maisonneuve. Tel qu’on le voit au moment où la photo a été prise, cet établissement fondé par les sœurs grises, n’est âgé que d’à peine cinq ans. Il s’y trouve une école pour infirmières ainsi que l’Institut de cardiologie.

B : L’hôpital St-Joseph quant à lui a été construit en 1950 par les Sœurs de la Miséricorde. On y soigne surtout les tuberculeux. Les deux institutions hospitalières seront fusionnées en 1971 et prendront alors le nom qu’on leur connaît encore aujourd’hui : l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

C : Le boulevard l’Assomption. En 1959 cette artère débute à la rue Sherbrooke et ce n’est que quelques années plus tard qu’elle joindra la rue Hochelaga, plus au sud. Pour l’instant il ne se trouve que bien de choses de part et d’autre hormis l’hôpital. Les premières habitations débutent au boulevard Rosemont. Face à l’hôpital toutefois on a déjà tracé et construit quelques avenues qui portent des noms d’arbre; des Tilleuls, des Sapins, des Bouleaux et des Saules. On y a construit certaines maisons flirtant avec le mouvement Mid-century et dont certaines existent encore. Ce développement fait partie d’un ensemble urbain plus large appelé Cité-Jardin, délimité à l’est par le boulevard L’Assomption, au nord par le boulevard Rosemont, à l’ouest par la rue Viau et au sud par le terrain de golf. Cité-Jardin se veut un concept tout à fait novateur où l’on mise, entre autres, sur des particularités intéressantes comme par exemple une végétation abondante, constituée de nombreux arbres mais aussi, comme le nom l’indique, de jardins. Ceci dans le but de fournir un air pur à ses résidents qui compte Jean Drapeau.

D : Le boulevard Rosemont commence alors à se développer mais au-delà de Lacordaire c’est carrément la campagne. À l’est ce n’est plus un boulevard proprement dit mais on peut tout de même y rouler jusqu’à l’actuelle rue de Carignan mais ce n’est qu’un chemin de terre poussiéreuse à la fin duquel se trouve là un immense boisé. Le développement immobilier de ce secteur va surtout se faire vers la seconde moitié des années 60.

E : Petite butte sans prétention qui fait partie du terrain de golf municipal. Rien ne sera construit à cet endroit avant l’obtention des XXIe Olympiades. À ce moment-là c’est cet emplacement qui va recevoir le fameux Village Olympique, œuvre des architectes Roger D’Astous et Luc Durand.

F : Le terrain de golf municipal est coupé par la rue Viau mais dans quelques années la portion ouest sera transformé en parc où l’on va aménager un réseau de pistes cyclables, long de quelques 2 kilomètres, et que l’on peut encore emprunter aujourd’hui. C’est le futur parc Maisonneuve.

: Dans ce petit ensemble de bâtiments commerciaux on retrouve le restaurant Le Réveillon, le lounge Le Boudoir ainsi que le motel Le Lucerne, trois établissements qui ont connu des très belles années de gloire mais qui n’ont pas survécu jusqu’à nos jours.

: Voilà la rue Dickson qui débute, loin au sud, à la rue Notre-Dame. Elle perd toutefois son nom un peu avant le boulevard Rosemont où elle devient alors le boulevard Lacordaire. Du côté est des habitations de style duplex semi-détaché sont construites et les terrains vacants que l’on voit, près de la rue Sherbrooke, vont être occupés au début des années 70. Ces maisons encore là de nos jours.

: Ce qui ressemble à un sentier-raccourci entre le boulevard l’Assomption et Dickson est en réalité l’ancienne voie ferré du Canadian Northern, et qui fut amalgamé au Canadien National en 1918. Au sud de Sherbrooke, à l’ouest de l’Assomption, se trouvait là un roundhouse pour y loger les locomotives de la compagnie. Au moment où la photo fut prise le roundhouse existait toujours mais la voie ferrée était abandonnée depuis un bon bout.

: Cité Jardin, un aménagement de maisons urbaines unique en son genre dans l'est de Montréal. Arbres, espaces verts, sentiers... C'est presque la campagne en ville. C'est aussi là qu'habite le maire de Montréal Jean Drapeau. Au moment où la photo a été prise le développement se poursuivait. Le terrain de golf va toutefois rester mais la portion qui se trouve au parc Maisonneuve sera ultérieurement éliminée. 

K : Ah, voilà le Foyer Saint-Édouard, alors construit depuis à peine deux ans sous l’égide des Petites Sœurs des Pauvres, dont les premières représentantes sont arrivées au Canada vers 1887. C’est en 1967 que la résidence, entièrement vouée aux soins des personnes âgées, prend le nom de Ma Maison St-Joseph. Le bâtiment existe encore.

L : Le restaurant A&W (dont je vous parlais dans cet article) et qui était très populaire. On peut noter le stationnement en diagonale et le terre-plein où se trouvaient les bornes-menus.

M : Lot qui sera occupé par le concessionnaire Lepage Automobiles, alors spécialisé dans la vente de voitures usagées. Le bâtiment avec toit en pente n’était pas encore construit, ce qui se fera dans les années 60. Le concessionnaire n’existe plus aujourd’hui et l’édifice est aujourd’hui occupé par le restaurant Jardin Tiki. Par contre, au moment d’écrire ces lignes, il semble se trouver dans la mire de promoteurs qui, je crois, veulent le raser pour ériger une résidence pour personnes âgées alors si vous voulez encore plonger dans l’atmosphère exotique du restaurant, aussi bien le faire bientôt.

: Station-service Downing. C’était bien entendu l’époque où une voiture qui arrivait roulait sur un tube de caoutchouc et qui faisait sonner une cloche dans le garage, avertissant les employés. Ici, pas question de sortir de l’auto car on s’occupait de tout; plein d’essence, vérification de l’huile (Y vous manque une pinte capitaine!) et pression des pneus ainsi que «nettoyage» du pare-brise.

: Résidence des pères Montfortains dont le sactuaire Marie-Reine-des-Cœurs, que l’on ne voit pas, vient tout juste d’être construit sur la rue Sherbrooke.

: Pépinière publique qui couvrent une superficie appréciable. Elle est bordée au sud par le rue de Jumonville, à l’ouest par le rue Duquesne, au nord par le futur boulevard Rosemont et à l’est par la rue de Carignan. Vers la fin des années 60 la portion nord sera aménagée du par cet de l’école secondaire Louis-Riel. La partie sud demeurera une pépinière jusqu’au début des années 80 alors qu’on va y construire un ensemble d’habitations dotées de beaux espaces verts. On retrouve, tout juste au sud, l’avenue et la place de la Pépinière, lesquelles rappellent l’ancien jardin communautaire.

: Futur emplacement de l’école secondaire Louis-Riel. Bien qu’elle fasse partie du réseau public de la CECM (actuelle CSDM) elle imposait le port de l’uniforme à tous les étudiants, lesquels étaient régis par un code de vie strict. L’uniforme a été retiré vers le milieu des années 70 mais l’interdiction du port de pantalons jeans et souliers de course a été maintenue pendant bon nombre d’années.

: Cimetière de l’est, dont le terrain va de Sherbrooke à Beaubien. Il était alors considéré comme le cimetière des pauvres. On le connaît aujourd’hui sous le nom de Repos St-François-d’Assise et comporte plusieurs mausolées. À la fin des années 60 on y a accueilli les corps provenant du cimetière du village de Longue-Pointe que l’on a exproprié, entre autres choses, pour la construction du pont-tunnel Lafontaine.

: Future rue Beaubien. Le tracé est là mais il ne s’y trouve encore rien. Par contre, au milieu des années 60, ça va se développer à la vitesse grand V; habitations, petits centre commerciaux et restaurants.

: Future rue Bélanger qui elle aussi va connaître un boom immobilier important au tournant des années 60-70. Par contre, à cet endroit, le tracé du boulevard Lacordaire sera quelque peu changé et va bifurquer vers l’ouest.

Pour le reste, comme on peut le voir, le paysage n’est que boisés et plaines. Au niveau du développement urbain tout est à faire mais, plutôt que d’y aller de façon posée et réfléchie avec la qualité de vie des citoyens en tête, on va assister à une urbanisation agressive. Au nord-ouest de la photo, et parfaitement invisible, cette abomination qu’est le boulevard Métropolitain est presque terminé mais ne se rend pas très loin, pour l’instant, dans l’est. Ça se fera en 1966 lorsque l’autoroute se rendra jusqu’à Langelier. S’ajouteront peu après les Galeries d’Anjou ainsi que les réseaux d’autoroutes et le parc industriel. Beaucoup de changements pour un secteur qui, peu de temps avant, était une véritable campagne d’air pur et de fermes.

La photo, comme on peut le constater, a visiblement été prise durant l’été or, qu’est-ce qui retient l’attention à ce moment-là? Tout d’abord il y a l’inauguration de la Voie maritime du St-Laurent par la reine Élizabeth II ainsi que le président américain Dwight Eisenhower. L’ouverture de cette voie sonne le glas de Montréal comme terminal portuaire, celui-ci se trouvant dorénavant à Toronto. Durant l’hiver de ’59 il y a eu une grève des réalisateurs à Radio-Canada qui ont alors été fortement appuyés par le journaliste René Lévesque. Or, au mois de juillet, ce dernier voit son émission, Point de mire, être cavalièrement retirée des ondes. Plusieurs y voient une forme de vengeance de la part de la Société d’état. Moment d’émotions fortes pour les plus vieux car le 30 août on retire définitivement les tramways du réseau de transport en commun. Plusieurs seront tout simplement brûlés et le métal sera récupéré pour la revente. À plusieurs endroit on s’active à retirer les voies mais pour faire plus vite, et pour que ça coûte moins cher, on va décider de tout simplement paver par-dessus. Et puisqu’il a été question de Jean Drapeau plus haut dans cet article, il publie en 1959 un livre, Jean Drapeau vous parle, dans lequel il dévoile ses opinions politiques. Moins d’un an plus tard il va fonder le parti Civique et remporter haut-la-main les élections municipales de 1960, délogeant ainsi Sarto Fournier.




Le saviez-vous? À l’origine, Jean Drapeau est tout à fait contre l’idée de tenir une exposition universelle à Montréal mais peu de temps après, entrevoyant tout le potentiel d’un tel événement pour la visibilité de la ville, il va changer son fusil d’épaule et devenir l’un de ses plus ardents promoteurs. Cet événement sera, bien entendu, Expo 67.


mercredi 5 novembre 2014

La crèmerie Orléans


Voici une photo qui nous ramène par le collet en l’année 1937 et nous dépose sur le bord du trottoir devant la crèmerie Orléans, alors sise au 3941 de la rue Ontario est. Le commerce est alors bordé à l’ouest par les bureaux de l’avocat Armand Pagé, du médecin R. Pellerin puis du magasin de chaussures Desilets, et à droite par le restaurant chez Armand. La crèmerie n’est toutefois pas le premier occupant des lieux, cet honneur revient à la Great Atlantic & Pacific Tea Company Ltd qui y installe l’une de ses nombreuses succursales tout de suite après la construction du bâtiment en 1930. Et lorsque je dis «nombreuses succursales» ça veut dire justement ça puisqu’il s’en trouve plus d’une cinquantaine éparpillées un peu partout dans la ville. Par contre celle du 3941 Ontario quitte les lieux dès 1932 et se réinstalle plus à l’ouest, tout juste au coin de Cartier. C’est à ce moment que s’installe la crèmerie Papineau. Entretemps, les habitués de Great A & P Tea pouvaient toujours se rendre 4551 Adam. Retournons à la crèmerie.

Bon, je vais en profiter pour faire une précision avant d’aller plus loin; aujourd’hui lorsqu’on parle d’une crèmerie on pense tout de suite à de la crème glacée, souvent avec du caramel, du fudge et autres gugusses. À l’époque une crèmerie était un endroit pour acheter, principalement, du beurre et produits dérivés. On peut aussi s’y procurer du café, du thé, du cacao et produits similaires.

Par contre la crèmerie s’installe à un moment où le monde tire le diable par la queue, gracieuseté de la crise économique. À ce moment-là, tout ce que vend la crèmerie Papineau est du luxe. D’ailleurs le commerce change de nom en 1937, année où la photo a été prise, et devient alors la crèmerie Orléans. Pourquoi le nom? Peut-être pour capitaliser sur le théâtre Orléans qui est juste en face? Qui sait?

En 1938 le commerce appartient alors à un certain monsieur Deschamps qui entreprend alors de changer la vocation du commerce, passant de crèmerie à un marché d’alimentation. Sage décision puisque varier les produits offerts va lui permettre de passer au travers la Seconde guerre où, faut-il le rappeler, les aliments étaient rationnés, surtout le beurre. Ça oui.

Le marché de monsieur Deschamps continue d’avoir pignon sur rue, enfin, jusqu’au milieu des années 50 où il va alors disparaître. Pour les gens du quartier c’est un peu malheureux, surtout pour tous ceux et celles qui étaient habitués d’y faire leurs provisions. S’ils s’en trouvaient qui espéraient un tant soit peu qu’un nouveau propriétaire prenne la relève ils ont dû être déçus puisque c’est une boutique de vêtements pour dames, Oslind Shoppes Ltd. qui s’y installe. Le nouveau commerce va connaître de bien bonnes affaires jusqu’en 1973 lorsque succursale de Viki Fashions va occuper le local, pendant bon nombres d’années aussi.


Aujourd’hui les choses ont bien changé. Le bâtiment qui abritait la crèmerie Orléans ainsi que les bureaux de l’avocat Pagé et du docteur Pellerin a disparu et à la place on a reconstruit quelque chose d’entièrement différent. Le restaurant Chez Armand, à l’est, a aussi connu son lot de différents locataires au fil des ans et l’emplacement est occupé, au moment d’écrire ces lignes, par un commerce de bidules électroniques.







Le saviez-vous? En 1935 le revenu annuel moyen était de $313/an ou, si vous préférez, $6,50 par semaine et la livre de beurre de vendait 28 sous. De quoi manger son pain sec!