dimanche 29 mars 2015

Maison Louis-Joseph Forget


On dit souvent, à tort, que les hautes sphères de la finance et de la richesse étaient jadis uniquement l’affaire des anglophones et des écossais, qu’il s’agissait d’une sorte de club hermétique qui ne laissait filtrer aucun francophone.

C’est évidemment faux.

Pour parvenir au succès financier ce qu’il fallait n’était pas de parler anglais mais bien d’avoir de la volonté et de ne pas avoir peur de se retrousser les manches pour travailler fort. À titre d’exemple, Donald Alexander Smith, devenu Lord Strathcona, n’est arrivé ici qu’avec le change dans sa poche. Son cousin, George Stephen, devenu Lord Mount Stephen, n’est pas débarqué non plus ici les poches pleines. Il a passé de longues soirées à étudier des volumes sur les finances l’art bancaire. Ce ne sont là que deux exemples parmi tant d’autres. Or qu’est-ce qui empêchait un Canadien-Français de connaître le succès?

Rien.

La recette était la même. Et cette recette, Louis-Joseph Forget l’a bien comprise. Le personnage n’est pas né d’une famille riche du Golden Square Mile mais bien dans une famille d’agriculteurs de Terrebonne en 1853. Il aurait pu enfiler la salopette et manier de la bâche mais il a préféré s’instruire au collège Masson. Il a trimé dur et après sa graduation il est allé travailler pour le compte de Thomas Caverhill, courtier en valeurs mobilières. À force de travailler sans compter les heures Louis-Joseph Forget a amassé une quantité de sous assez importante pour lui permettre de fonder, dès 1876, sa propre maison de courtage.


En 1890 la compagnie de Forget est l’une des plus importantes au pays. Notez bien l’utilisation du mot «pays» et non »quartier», «ville» ou même «province». Deux ans plus tard il prend les rênes de la Montreal Street Railway à titre de président et supervise dès lors l’électrification du réseau de tramways, travail qui sera complété en 1895. L’année suivante Forget est nommé sénateur et en plus de ce travail il chapeaute la fusion des compagnies énergétiques qui formeront en 1900 la Montreal Light, Heat & Power, l’ancêtre d’Hydro-Québec. Toujours en 1900 il est élu au conseil d’administration du Canadien Pacifique, le premier francophone à accéder à la table d’une des plus importantes compagnies canadiennes. Tout ça parce que le bonhomme n’a pas eu peur de se relever les manches.Évidemment Forget a pu amasser une fortune assez considérable et c’est avec cet argent qu’il s’est fait construire une splendide résidence sur la rue Sherbrooke, pif-poil au milieu d’autres résidences cossues du secteur. Le terrain est acquis en 1882 et les plans confiés à l’architecte Maurice Perreault, à qui l’on doit, entre autres, le Monument national sur St-Laurent qu’il a réalisé avec son partenaire Alphonse Ménard. La maison fait largement usage de pierre de taille avec un escalier imposant flanqué de rampes en fer forgé et que je vous propose aujourd’hui avec cette photo prise l’été dernier. Fort heureusement la résidence a été classé monument historique en 1974 et se trouve donc protégée. Dommage que l’on n’ait pas pu en faire autant avec d’autres de ces belles demeures, comme celle de William Van Horne.





Le saviez-vous? C’est le 21 septembre 1892 qu’est apparu le premier tramway électrique à Montréal; le Rocket, surnommé ainsi parce qu’il allait légèrement plus vite qu’un picouille flegmatique. On peut d’ailleurs l’admirer (le tramway, pas la picouille) à Exporail. 

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